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page137 - le retour précoce à domicile après l'accouchement

p.137-Après l'accouchement, le retour précoce à domicile en Europe

Jeannette Bessonart sage.-femme, France

 

Le retour à domicile des mères, après l'accouchement en milieuhospitalier public ou privé, a subi de grandes variations dont il est intéressant de retrouver les causes. En France, par exemple, à l'origine des lois sociales, le temps d'hospitalisation après l'accouchement normal était de douze jours pour passer progressivement à cinq, six jours, voire à deux, trois jours. Pour les femmes qui accouchaient en «clinique ouverte» des lieux d'hospitalisation publics ou privés avec leur sage-femme libérale, il n'en était pas ainsi. Elles pouvaient sortir précocement et être suivies à domicile par la même sage-femme.

 

Avant d'analyser la situation française, voici comment se passe, dans d'autres pays, le retour précoce des mères à domicile. Aux Pays-Bas (1-Voir aussi, Hanekamp M., p.249, De Boer, p.175.)   en 1989, une femme sur trois accouche à domicile, suivie par une sage-femme et aidée par une aide-sage-femme, non seulement pendant l'accouchement mais aussi en suite de couches. Pour le reste des femmes hollandaises accouchant à l'hôpital, le partage se fait comme suit:

- celles présentant une pathologie relevant de l'hospitalisation et pour lesquelles tous les frais sont pris en charge;

- celles ayant choisi d'accoucher à l'hôpital et rentrant précocement à la maison.

 

 

«... La législation permet aux couples de choisir un accouchement en milieu hospitalier sans pour autant renoncer aux services de la sage-femme avec laquelle une relation personnelle s'est élaborée. En pratique, les futurs parents louent pour vingt-quatre heures une salle d'accouchement où, le moment venu, la sage-femme officie, assistée seulement de l'infirmière obstétricale qui s'occupera quotidienne-ment de la mère et de son enfant après leur retour à la maison. Ce n'est qu'en cas de complications que sera requise l'intervention d'un gynécologue. 

 

« Ce système, qui coûte au plus 450 francs aux parents, permet à ces derniers d'éviter le " désordre" d'un accouchement à domicile et de "se rassurer". "L'idée qu'à l'hôpital on a tout sur place pour faire face à toute situation inopinée les sécurise", explique Marion Borkent, sage-femme à Utrecht. D'un pragmatisme tout néerlandais, il répond d'une part aux besoins de confort psychologique des parturientes et préserve la position clé des sages-femmes dans l'organisation de la natalité aux Pays Bas, où une distinction nette continue d'être opérée entre les accouchements normaux, dits" physiologiques", et ceux dits" pathologiques ". Seules les grossesses à risques et les naissances difficiles sont supervisées par les spécialistes médicaux. "Etre enceinte n'est pas une maladie", fait valoir Marion Borkent, exprimant ainsi l'aversion aussi ancienne que partagée des Néerlandaises face à la médicalisation de ce qui doit rester un heureux événe. ment... 1. - Christian Charter, « Les Néerlandaises de la " délivrance" », Le Monde, 26 novembre 1981.»

 

Pour la Belgique, Joëlle Dutrieux présente un travail portant particulièrement sur le soutien des mères retournées précocement à la maison après leur accouchement en maternité. Cette manière de faire, qui se répand aussi aux Pays-Bas et en Espagne, apporte aux mères les avantages suivants:

 

- une réponse à leur désir d'accoucher en maternités publiques ou privées;

- une réponse à leur désir de ne pas être trop longtemps coupées de leur milieu de vie;

- mais aussi l'importante certitude d'avoir la même sage-femme (ou la même équipe de sages-femmes) pendant la grossesse, l'accouchement, et à domicile lors du retour précoce.

Joëlle Dutrieux raconte: «Diplômée sage-femme en 1976, j'ai exercé ma profession dans différents hôpitaux de Wallonie. En 1986, j'ai choisi de travailler à mi-temps de jour en clinique. Me trouvant dans le service de maternité, j'étais en contact direct avec quelques problèmes inhérents au vécu de la grossesse. Ainsi, à l'époque, je pouvais relever : 

- une anxiété vécue pendant la:grossesse (âge, anté cédents de fausse couche, veuvage);

- de fréquentes contractions prématurées avec anxiété; - des antécédents de mort anté- et périnatale; 

- un retour à la maison en cqmplète insécurité; 

- des problèmes d'épisiotomies nécessitant un séjour plus long;

- un retour précoce à la maison « arraché» au gynécologue et au pédiatre.

 

« Le constat est que la multitude des intervenants n'améliorait pas la qualité de l'information. Celle-ci, diffusée par bribes, laissait un sentiment de frustration chez les futurs ou nouveaux parents. En 1986, j'ai alors mûri le projet suivant: exercer ma profession de sage-femme hors de l'hôpital, en libérale. C'est ce que j'ai réellement fait.

«Pour ma pratique en suites de couches, je distingue deux formes de sortie: sortie normale sans problème, sortie précoce avec ou sans le bébé. En ce qui concerne la sortie normale ou le retour précoce avec le bébé, généralement, les parents discutent de ce choix en consultation prénatale et le gynécologue conseille de me contacter afin de mettre au point quelques préparatifs. La condition principale pour que ce retour se fasse en toute sérénité est que la maman et le bébé se portent bien au moment de la sortie de la maternité. A la maison, la présence d'une aide est indispensable afin que la maman soit libérée de toute tâche ménagère et puisse se reposer en faisant connaissance avec le bébé parmi les siens.

 

« Pour la sortie anormale ou le retour précoce sans bébé (resté au centre néonatal ou décédé), j'accorde une écoute particulière au couple. C'est parfois très lourd et difficile. Les contacts téléphoniques sont fréquents et échelonnés dans le temps. Dans le cadre de ce travail à domicile, les parents restent libres. Ils font eux-mêmes la démarche de me téléphoner et de me fixer un rendez-vous.

 

«En conclusion, il est donc possible de dire que les futurs parents sont satisfaits de l'intervention à domicile de la sage-femme libérale, qu'ils sont heureux de ne pas prolonger le séjour à l'hôpital. On peut constater qu'il y a làun épanouissement personnel dans un exercice de l'autonomie. »

 

Pour la Grande-Bretagne, Ingrid Rennie nous a présenté les soins apportés par les sages-femmes à domicile, lors du retour précoce en suites de couches, dans sa conférence «Connaissez-vous votre sage-femme?» (p. 82).

 

Au Texas, les sages-femmes veillent aussi à assurer un retour précoce et confortable à domicile pour les mères. Des membres de l'Association des sages-femmes du Texas, nous parlent de ce qu'elles font (p. 202).

 

En Suisse, des sages-femmes libérales, indépendantes offrent, parmi leurs différentes prestations (consultations de grossesse, préparation à la naissance, informations et conseils de santé, gymnastique pré- et postnatale, information sur l'allaitement et la contraception, visites prénatales à domicile) ce qu'elles appellent l' « accouchement ambulatoire» qui se résume ainsi: «... Si, après avoir donné naissance à votre enfant en milieu hospitalier, vous souhaitez retrouver rapidement votre environnement familial, une sage-femme viendra quotidiennement à domicile pour assurer vos soins et ceux de votre bébé... » (sages-femmes suisses).

 

. En France, après quarante années où les femmes ont été enlevées de leur espace familial et social d'enfantement (que ce soit de leur domicile ou des maternités de proximité), on se rend compte aujourd'hui (depuis une dizaine d'années), que pour des raisons diverses (humaines, familiales, sociales, financières), le domicile est l'endroit idéal non seulement pour le début de vie (surveillance de la grossesse et des suites de couches), mais aussi pour la maladie.

Il est en effet, de plus en plus question de façon générale d'hospitalisation à domicile. Alors qu'en 1950, sous l'impulsion des lois sociales, on a fait sortir les sages-femmes libérales de l'espace familial des femmes, en 1975 le système de santé a créé un nouveau corps de sages-femmes salariées, les sages-femmes départementales, pour retourner surveiller les femmes enceintes à domicile dans le cadre des grossesses à risques ou des grossesses normales pour les femmes socialement défavorisées. Ce système n'a pas (ou très peu) utilisé les compétences des sages-femmes libérales existant déjà. Il favorise une rivalité entre sages-femmes libérales pouvant aller à domicile de jour comme de nuit, et sages-femmes départementales allant à domicile entre 9 heures et 17 heures, du lundi au vendredi.

 

En 1987, l'Assistance publique de Paris, dans le cadre de l'hospitalisation à domicile, a mis en place une structure qui permet aux mères de sortir trois jours après l'accouchement et d'être suivies à domicile les quatre jours suivants.

Les visites à domicile sont assurées par la même sage-femme libérale et elles peuvent être prolongées au-delà de quatre jours si nécessaire. Il sera important d'analyser sur une longue période:

- le pourquoi de cette expérience de l'Assistance publique de Paris;

- le protocole de travail;

- les résultats et l'indice de satisfaction des mères, des sages-femmes libérales et des hôpitaux.

 

Il sera intéressant aussi de voir comment cette expérience va être reprise en France par les pouvoirs publics, les autres institutions publiques et privées et la politique de santé publique. Lors de la rencontre avec un chargé de mission du ministère de la Santé, où devaient être faites des propositions concrètes pour l'amélioration de l'environnement de la femme tout au long de sa maternité, des sages-femmes libérales prirent connaissance du texte qui serait remis au ministère. 

 

Parmi les idées maîtresses on retrouvait: «Intensification des surveillances à domicile avant et après l'accouchement. » Mais comment cela sera-t-il réalisé avec des sages-femmes alors que l'on sait que l'hospitalisation à domicile est confiée aux médecins et aux infirmières?

 

Il faudra aussi que la législation sociale s'intéresse au prix de cette prestation. L'acte de surveillance des suites de couches n'est pas mentionné dans la nomenclature de la Sécurité sociale pour les sages-femmes libérales. C'est un acte actuellement compris dans le forfait accouchement. Le service de l'hospitalisation à domicile de l'Assistance publique de Paris donne une rémunération proche de la rémunération de la surveillance des grossesses à risques à domicile, déjà codifiée dans cette nomenclature. A quand l'acte de surveillance des suites de couches à domicile dans la nomenclature des sages-femmes?

 

La conclusion porte sur une question fondamentale qui se pose à propos du confort des mères. Seuls, les Pays-Bas offrent aux mères la possibilité, après leur accouchement en hôpital (avec la même sage-femme ou équipe de sages-femmes qui a suivi sa grossesse), de revenir précocement à la maison et d'y être suivie en continuité par la même sagefemme ou équipe. On peut donc souhaiter que la Belgique, la Suisse, la France et tous les pays européens, évitant d'inclure de nouveaux praticiens dans la surveillance du retour précoce à la maison en suites de couches, décident de favoriser la continuité des soins par les mêmes personnes présentes pendant le suivi de grossesse et de l'accouchement. Cela peut être favorisé par l'ouverture des plateaux techniques des hôpitaux aux sages-femmes libérales, comme cela se fait aux Pays-Bas. Cela permettrait de renouer avec une pratique habituelle, courante et sécurisante des sages-femmes: l'accompagnement global des mères dans leur espace de vie.

 

On peut donc souhaiter que l'accouchement ambulatoire et la surveillance des suites de couches à domicile se développent rapidement. Les sages-femmes, quant à elles, sont prêtes et compétentes pour assurer ce service.



08/02/2013
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