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l'épisiotomie de routine est-elle justifiée


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Plus de soixante pour cent des femmes de nos pays industrialisés sont concernées par l'épisiotomie. C'est l'acte chirurgical le plus fréquent et sa pratique ne cesse d'augmenter.
    On a enseigné aux sages-femmes le rôle indispensable de l'épisiotomie: cet acte se justifiant par la prophylaxie des déchirures, la prophylaxie de l'incontinence urinaire et du prolapsus, et la protection de la santé fcetale. Toutefois, jusqu'à présent, il n'a jamais été fait mention dans l'enseignement d'un pourcentage précis d'épisiotomies justifiables; ce qui explique un taux en Europe variant entre un et demi pour cent, et cent pour cent! (Cf. La M alernité en Europe, OMS, 1985). 

    Réunissant toute la littérature parue sur le sujet depuis 1980, j'ai étudié ainsi une cinquantaine de publications et articles pour arriver à la conclusion suivante:

- L'épisiotomie de routine ne diminue pas le risque de déchirures compliquées; au contraire (l'épisiotomie médiane surtout), elle augmente ce risque dans une proportion considérable (Thackers, 1980; Stoops Gass, 1980; Dunne, 1984; Thorp, 1987; Legino, 1988; Wilcoxls,1989; Roeckner, 1989);

_ L'épisiotomie ne diminue pas le taux de prolapsus ni d'incontinence urinaire qui se situe après l'accouchement aux environs de vingt pour cent. Ce taux est indépendant du facteur épisiotomie (Spernol, 1983; Sleep, 1987; Gordon, 1985; Brendsel, 1979);

- Le raccourcissement de la période d'expulsion grâce à l'épisiotomie n'apporte pas de bénéfice prouvé à l'enfant. L'amélioration des valeurs du PH apportée par cette pratique ne fait pas la preuve d'une meilleure santé foetale globale (Wood, 1973);

- L'épisiotomie n'améliore pas le score d'Apgar des nouveau-nés (Thackers, 1980; Formaton, 1985; Harrison, 1984; Sleep, 1984; Rocker, 1989);

- Le taux d'hémorragies cérébrales chez le prématuré est indépendant du facteur épisiotomie (Welch, 1986; Lobb, 1986);

- Un taux maximal de vingt pour cent d'épisiotomies pourrait être justifié (rapport de l'OMS, 1987).

    L'obstétrique a été reconnue comme une spécialité en médecine avant que n'apparaisse la science de la statistique. En maternité donc, force est de constater que la majorité des traitements a été instaurée sans assise scientifique et a continué à se perpétuer sans bénéficier du contrôle des sciences statistiques modernes (White, 1960; Cochrane, 1972).

    La pratique de l'épisiotomie a débuté au moment où les naissances ont commencé à se pratiquer à l'hôpital. Or, le transfert des naissances du domicile vers l'hôpital a pu se faire avec une facilité exceptionnelle grâce à l'apport de découvertes faites à la même époque qui permirent de lutter avec succès contre les infections et en particulier contre la fièvre puerpérale; il y eut simultanément la découverte des microbes, des règles de l'hygiène et la découverte des antibiotiques. Ainsi, à côté de l'augmentation des naissances à l'hôpital, on observa une diminution spectaculaire de la mortalité maternelle et infantile sans pour autant qu'il ait été fait de preuve du lien de cause à effet. Cependant, ce progrès était tellement spectaculaire qu'il a permis à l'hôpital de gagner l'aveugle confiance de la population, balayant du même coup tout esprit critique envers les nouvelles pratiques concernant l'accouchement; l'hôpital n'était-il pas ce sauveur des femmes et enfants? La position horizontale, l'anesthésie, les forceps de routine ou l'épisiotomie n'étaient-ils pas un « moindre mal» en regard de leur contribution évidente à sauver des vies? (Tacker, Banta, 1983). 

    Et jusqu'à nos jours, bien que des travaux aient prouvé depuis (on peut demander ces travaux à l'OMS) que la diminution de la mortalité maternelle et infantile n'a pas de lien avec le pourcentage des naissances à l'hôpital, cette croyance continue à persister et à influencer la politique des naissances dans les pays industrialisés. Mais il ne suffit pas de constater cet état de fait. Il faut courageusement participer aux recherches pour améliorer continuellement les conditions de naissance.

    A propos de l'épisiotomie, les sages-femmes se sont toujours opposées à sa pratique élargie et sont restées très sceptiques quant à l'enseignement reçu à ce sujet. Elles n'avaient malheureusement que leur savoir-faire et leur conviction, leur colère ou leur sentiment d'impuissance à opposer aux arguments prétendument scientifiques. Le temps est venu où la recherche scientifique quantitative vient confirmer le savoir ancestral des sages-femmes et réhabiliter notre profession. Qui mieux que la sage-femme est apte à discerner ce qui est bon pour la femme et le bébé pour favoriser une naissance physiologique?

    Ce que nous savions ou pressentions est confirmé aujourd'hui par des études scientifiques modernes menées en partie par des sages-femmes. Notre responsabilité est maintenant en jeu: puisque nous avons la possibilité d'accéder aux données déjà existantes et de mener notre propre recherche là où demeurent des lacunes, nous n'avons plus le droit un seul jour de continuer à travailler d'une manière qui va à l'encontre de notre bon sens et de notre conscience.


08/02/2013
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