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les assurances sociales et les sages-femmes


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p.181-Les assurances sociales et les sages-femmes

Les assurances sociales et les sages-femmes en Belgique et en France


    Pour la Belgique M. Jean Hallet, président des Mutualités chrétiennes, et pour la France le Dr Weil, de la Caisse nationale d'assurance-maladie, nous ont présenté quelques-unes de leurs réflexions. Leurs interventions étaient importantes puisque c'est d'eux que dépendent en grande partie le bien-être des sages-femmes et des mères dans la naissance.

Que dit M. Jean Hallet pour la Belgique?
    La convention avec les sages-femmes (1) prévoit différents tarifs, par actes ou forfaitaires, pour des prestations effectuées au stade prénatal, postnatal ou à celui de l'accouchement. Toutefois, les prestations autres que l'assistance àl'accouchement effectué par le médecin sont très peu pratiquées. Sur un total de 120 457 accouchements en 1990, seulement 560 ont été effectués par des sages-femmes. Moins de 0,5 pour cent des accouchements sont effectués par des sages-femmes seules en hôpital et ce pourcentage tend à diminuer depuis 1986. Mais dans 93 pour cent des cas, la sage-femme assiste à l'accouchement effectué par le gynécologue ou le généraliste à l'hôpital. En réalité, il arrive quelquefois que la sage-femme réalise la prestation elle-même lorsqu'il y a urgence.
    Les interventions des sages-femmes à domicile représentent seulement 4 pour mille et augmentent depuis 1986 mais leur nombre reste peu significatif. La surveillance prénatale par des sages-femmes a doublé de 1986 à 1990, mais ne se pratique que dans peu de cas (5242 visites pour 112600 accouchements); les soins postnataux sont insignifiants (0,55 pour cent des accouchements) et restent stationnaires.
    A l'hôpital, les honoraires du généraliste sont les mêmes que ceux du gynécologue et le double de celui de la sagefemme. Les accouchements par les généralistes représentent 9,4 pour cent des cas (en diminution depuis 1986), presque toujours à l'hôpital. Cela pose un problème dans la mesure où nombre de généralistes n'ont pas une pratique suffisante des accouchements.
    En Belgique, l'accouchement fait par la sage-femme seule est rare. En revanche, les soins pré- et postnataux effectués par les sages-femmes sont plus fréquents. Ces derniers doivent toutefois être prescrits par le médecin. La sage-femme peut prescrire des examens de biologie clinique, de radiologie et des médicaments. La convention prévoit aussi une réduction de 25 pour cent du tarif pour les sages-femmes qui n'y adhèrent pas (même système que pour les infirmières et les kinésithérapeutes).
    On peut maintenant évaluer le coût global des prestations effectuées au stade prénatal, postnatal et à l'accouchement. Il est estimé à environ 62 000 francs belges (près de Il 000 francs français) par naissance. Les soins hospitaliers représentent 75 pour cent du coût global d'une naissance, dont un tiers constitue les soins infirmiers et l'hôtellerie pour six jours. Le nombre de consultations ambulatoires de gynécologie est élevé (neuf consultations en moyenne par naissance), dont la moitié sans prescription d'actes techniques ou de médicaments.
    Pour faire participer davantage les sages-femmes au parcours médical de la gestante et parturiente, des propositions existent. Au niveau des consultations prénatales, on peut alterner la consultation d'une sage-femme et celle d'un gynécologue; quatre consultations sur neuf seraient effectuées par une sage-femme qui devrait faire un compte rendu au gynécologue. On pourrait aussi financer un forfait pour l'ensemble des consultations de la sage-femme.
    Au niveau de l'accouchement, on pourrait réduire la durée de l'hospitalisation en encourageant l'accouchement en polyclinique avec une hospitalisation de vingt-quatre à quarante-huit heures au lieu de six jours, à condition:
- que la patiente en exprime la préférence s'il n'y a pas de risque accru;
- que la sage-femme puisse travailler en collaboration avec une équipe de soins à domicile comprenant infirmières et aides familiales;
- que le gynécologue et le pédiatre préparent les soins postnataux avec la sage-femme (nutrition, soins, piqûres) et que celle-ci fasse un rapport au gynécologue.
    Le gynécologue doit recevoir un complément d'honoraires pour cette collaboration et l'hôpital ne doit pas être financièrement pénalisé si cela réduit le taux d'occupation de la maternité. En Belgique, actuellement, les maternités dont le taux d'occupation est insuffisant peuvent être pénalisées. Il serait alors possible de proposer à la Caisse d'assurances sociales (INAMI) une (ou des) convention (s) de type expérimental permettant un financement adéquat de l'ensemble des soins à l'hôpital et à domicile assumés par une équipe comportant par exemple: gynécologue (ou médecin généraliste), sage-femme, aides familiales, assistante sociale.
    En conclusion, je dois dire que je suis fort impressionné par le sérieux et l'ampleur de votre réflexion et j'espère que nous pourrons faire du bon travail avec les sages femmes belges.

Note de Sages-femmes du monde.
Lors de la séance de questions/réponses qui a suivi l'intervention de M. Hallet, les propos de ce dernier ont soulevé un grand nombre de questions parmi les sages femmes présentes et particulièrement parmi celles de Belgique. Les questions portaient sur les thèmes suivants:
- Pourquoi alterner la consultation d'une sage-femme avec celle d'un gynécologue? Est-ce bien pour l'accompagnement global de la mère?
    - Pourquoi la sage-femme doit-elle faire un rapport au gynécologue?
    - Pourquoi un forfait pour l'ensemble des consultations de sages-femmes?
- Pourquoi tant de conditions discriminatoires pour la sage-femme dans la réduction de la durée d'hospitalisation?
    M. Hallet donne l'impression, par ses propos, de ne pas avoir confiance dans le diagnostic et la pratique professionnelle des sages-femmes belges et de les «encadrer» par le gynécologue, le pédiatre, les infirmières, aidesfamiliales, etc. sans oublier le médecin généraliste. La question n'est pas de savoir qui l'on va placer auprès des mères pour faire plaisir à tout le monde mais, dans une gestion rigoureuse du prix et du coût de la naissance, quelle est la place de chacun des intervenants en périnatalité.
    Les sages-femmes ont des propositions dynamiques et justes pour prendre en charge, humainement et médicalement, les mères et les enfants. Il est à souhaiter que les organismes sociaux belges les écoutent et travaillent avec elles pour améliorer les conditions de périnatalité en Belgique.


Le Dr Weil intervint alors pour la France, en précisant qu'il ne va pas nous assener une multitude de chiffres.
    l'aimerais tenir des propos inhabituels pour un responsable de la Sécurité sociale et je m'en excuse. Mais ils n'engagent que moi et je les tiendrai quand même. Je tiens en premier lieu à féliciter Mme Olive pour sa présentation du prix et du coût de l'accompagnement global de la naissance en France. C'est tout à fait remarquable, d'autant plus que ce n'est pas avec les chiffres que lui a communiqués l'assurance maladie française qu'elle a pu entreprendre ce travail.
    En ce qui concerne la démographie des sages-femmes, c'est très étonnant, les chiffres de Mme Olive et les miens sont les mêmes. Depuis deux ans, le nombre des sages femmes libérales augmente à nouveau. C'est-à-dire de 0,3 pour cent en 1989 à 1 pour cent en 1990. On revient de très loin, puisqu'en 1980 nous avions 1 774 sages-femmes libérales en France et qu'en 1990 il n'y en avait plus que 1 147, c'est-à-dire 43 pour cent en moins. Il faut savoir aussi que ce que nous appelons sages-femmes libérales couvre en fait deux entités qui sont un peu différentes. La « vraie» sage-femme libérale qui exerce dans les conditions qu'elle entend et celle qui exerce exclusivement comme salariée de clinique, dont certains actes sont facturés en tant qu'actes exécutés au titre libéral. Je voudrais ensuite le rappeler, cela a été dit pour la France et d'autres pays également, mais je crois qu'en France notamment, et chez mes confrères en particulier, on oublie trop souvent que la profession de sage-femme est une profession médicale. Je crois que de temps en temps il convient de le rappeler.
    Dans les statistiques de la Sécurité sociale, il y a à peu près 140000 actes mentionnés au coefficient «sages-femmes », en clinique privée ou à la maison. Donc des actes vraiment considérés comme actes relevant de la technicité propre de la sage-femme. Il existe aussi un peu plus de 2 300000 actes au coefficient «sage-femme infirmlere », c'est-à-dire des actes infirmiers pratiqués par des sages-femmes.
    Nous constatons qu'il y a une baisse de ces actes infirmiers, ce qui, à première vue, tendrait à montrer que la nouvelle génération de sages-femmes libérales revient vers sa fonction de sage-femme et que l'on voit moins ce que l'on voyait dans le temps, les sages-femmes faisant également fonction d'infirmières à domicile, notamment en milieu rural. 
    Enfin, les honoraires versés aux sages-femmes ont été de 185 millions de francs français, ce qui, très schématiquement et de façon tout à fait moyenne, représente àpeu près 160 000 francs français par sage-femme libérale et par an. Ce sont des chiffres moyens (ce n'est pas le revenu annuel net de la sage-femme et il ne s'agit pas de diviser par douze pour faire un calcul mensuel)!
    Encore une précision, nous avons à peu près encore 750000 naissances en France par an. Comme dans tous les pays d'Europe, le nombre des naissances diminue et, approximativement, un peu plus de 5 pour cent de ces naissances sont effectuées par des sages-femmes à titre libéral, à domicile ou en clinique.
    Je n'irai pas plus loin dans cet exposé. l'aimerais revenir à des considérations un peu personnelles, sur la vision du service médical de l'assurance-maladie et parler des perspectives d'avenir. Mme Olive l'a évoqué tout à l'heure, on ferme de plus en plus de maternités et dans les premiers temps parce qu'elles n'avaient plus de plateaux techniques. On en est maintenant à vouloir les fermer, même celles des villes moyennes, pour des questions de rentabilité, s'il s'y pratique moins de trois cents accouchements. En dessous de ce chiffre, « ce ne serait plus rentable» comme on dit! Sur un plan strictement financier, cela peut se discuter. Encore faut-il savoir ce que l'on va faire avec ces trois cents accouchements. Veut-on les transférer au CHU, c'est-à-dire l'hôpital universitaire le plus proche, qui est, pour certains endroits, à plus de cent kilomètres? Est-ce l'intérêt de la personne, de la famille, de se déplacer à cent kilomètres dans un centre hospitalier universitaire?
    Je crois que tout le monde est d'accord pour dire qu'en règle générale l'accouchement est un acte physiologique. En France, il est pris en charge par l'assurance-maladie. C'est déjà un peu paradoxal, mais il faut bien que cela porte un nom. Je crois qu'il n'est de l'intérêt de personne de médicaliser la grossesse et l'accouchement. Donc il n'est pas question de tout transférer dans des CHU ni de développer cette politique centralisée de santé publique. Mais il faut savoir ce que l'on veut. Désire-t-on vraiment une politique nataliste? On l'affirme. Il me semble que, dans ces conditions, il appartient tout de même à la future mère de choisir ses conditions d'accouchement. Il est certain qu'il faut lui donner toutes les garanties tant pour elle que pour l'enfant. Je pense que pour la sage-femme, avec la technicité qu'il y a actuellement et la mobilité de beaucoup d'appareillage, il est parfaitement possible de faire des accouchements, peut-être pas toujours à domicile, mais dans des lieux qui s'y prêtent.
    Je voudrais faire le parallèle avec la situation des personnes âgées. Actuellement, il semble que l'on soit très préoccupé par l'évolution du coût des personnes âgées et que l'on se dise: « Mais après tout, plutôt que de le hospitaliser, ce qui coûte très cher, faisons-les suivre à domicile. » Il y a donc maintenant de l'hospitalisation à domicile, des soins à domicile. On met en place beaucoup de structures à domicile pour les personnes âgées. Ce qui tendrait à prouver que ce genre de choix est possible. Vous me direz que les deux domaines ne sont pas tout à fait comparables, mais, dans la mesure de nos moyens, au service médical de l'assurance-maladie française qui couvre à peu pres quatre-vingt-dix pour cent de la population, nous allons essayer, pour une fois, de voir si cela est possible.
    Cela me paraît un peu ambitieux, cette idée de ne pas attendre que l'on soit dans une situation tout à fait catastrophique pour  imaginer des solutions facilitant aussi le début de la vie. Donc, je crois qu'on pourrait essayer, dans certains centres hospitaliers, d'encourager le suivi à domicile et d'ouvrir les plateaux techniques aux sages-femmes libérales. On peut certainement y réfléchir. 
    Enfin, je voudrais terminer par une petite «agression» à l'égard des sages-femmes libérales françaises pour vous dire simplement que si vous étiez un peu plus agressives, on vous faciliterait aussi peut-être un peu les choses.

Note de Sages-femmes du monde à la suite de l'intervention du Dr Weil.
    Le Dr Weil ne trouve pas les sages-femmes assez « agressives ». Il est possible que sages-femmes libérales, salariées, nous donnions collectivement cette impression. Mais entend-on les sages-femmes qui font des analyses et des propositions?
Une sage-femme, responsable syndicale, disait en décembre 1991 : «... Nous réclamons, sans relâche, nous téléphonons, nous expliquons, nous envoyons des documents mais... nous nous heurtons à un mur infranchissable et aux lenteurs de l'administration. D'autant plus que les ministres n'arrêtent pas de changer et les politiques de santé aussi... » Peut-être faudrait-il que le système d'assurance-maladie, avant que les sages-femmes deviennent « agressives », se mette à considérer véritablement les sages-femmes à leur place dans leurs programmes de périnatalité et leurs statistiques. Enfin, à la suite des interventions de MM. Hallet et Weil, il est possible de confirmer que, si la naissance n'a pas de prix, elle a un coût.
    Faire un bilan du coût du suivi de la maternité en Europe ou, tout simplement, un essai de bilan, est actuellement nécessaire. Même si l'on considère que la naissance n'a pas de prix, il serait intéressant, en analyse de santé publique, d'en évaluer le coût, surtout à notre époque où l'on parle beaucoup d'économies de la santé pour la santé de l'économie! On sait bien que la réflexion et l'action de toute sage-femme globalement compétente est aussi de se situer au niveau de l'intérêt économique et social dans la gestion et le coût de la maternité, ainsi que dans l'évaluation pour la qualité du suivi obstétrical.


1. En Belgique, les sages-femmes s'appellent « accoucheuses ». Pour respecter les objectifs de SFM, nous avons remplacé le mot «accoucheuse" par «sage-femme", en souhaitant que nos collègues belges retrouvent l'appellation de sages-femmes qu'elles avaient au début du siècle.

08/02/2013
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