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prix et coût de l'accompagnement global de la naissance


page163 - le prix et le coût de l'accompagnement global de la naissance en France

p.163-Le prix et le coût de l'accompagnement global de la naissance en France


Françoise Olive
présidente de l'Association des sages- femmes libérales
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NB : ce témoignage extrêmement précis a été fait en 1991. Pour une remise à jour et voir ce qui a évolué voir  htp://ansl.org/
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    Traiter du prix et du coût de l'accompagnement de la naissance peut paraître aride et compliqué. C'est pourtant essentiel car, si la naissance n'a pas de prix comme tout ce qui est rare et précieux, elle a un coût. Avant de parler de ce coût et de formuler des propositions, il me faut évoquer les acteurs de l'aventure naissance, les parents, les sages-femmes, la société.
    Les parents, (la mère dans le rôle principal) sont, évidemment, les acteurs de premier plan de la pièce de la vie qui se joue, « sans relâche », dans le monde. Ils veulent être bien accompagnés dans cette création. Il est temps de leur lancer un SOS, encore plus fort que celui que je lance tous les jours : Vous n'aurez bientôt plus de sages-femmes, en seconds rôles, sur la scène de votre accompagnement global lors d'une naissance. Cela vous est peut-être égal!

Entendez quand même ce que j'ai à vous dire. Notre espace professionnel ne nous permet plus de vous accompagner globalement et de pratiquer notre métier selon les besoins de la population et la législation en vigueur. Mais, qu'est-ce qu'être sage-femme?

    Etre sage-femme, c'est choisir de pratiquer globalement sa profession et d'être avec les mères, de la conception aux suites de couches. Cliniciennes de la physiologie obstétricale, nous accompagnons globalement chaque naissance en tant que processus unique de la vie. Nous sommes dans une histoire d'amour qui continue à s'écrire, une histoire d'échange de sentiments profonds entre les parents et nous, de reconnaissance mutuelle et de tendresse réciproque et respectueuse. Tout cela engendre des sentiments de sécurité et d'autonomie nécessaires à chaque être humain pour une vie libre. 

    Être sage-femme, c'est en effet passer un contrat avec les parents (qui viennent parfois nous voir de très loin) et respecter leur désir d'être pris en compte en tant qu'adultes responsables. Mme C., future mère, dit avec précision: «Je souhaite un accompagnement global au cours de ma maternité par la sage-femme de mon choix, je voudrais qu'elle puisse effectuer la surveillance de ma grossesse et ma préparation à la naissance, le suivi de mon accouchement dans la maternité la plus proche de mon domicile, les soins et mon soutien après l'accouchement dans cette maternité ou à mon domicile.»

    Il est tout à fait possible d'exercer notre profession de sage-femme selon les objectifs ci-dessus. La législation ne dit-elle pas, dans l'article 374 du Code de la santé publique, que la sage-femme «pratique les actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l'accouchement, à la surveillance et à la pratique de l'accouchement, des soins postnatals en ce qui concerne la mère et l'enfant... selon ses droits de prescriptions ou avec un docteur en médecine au-delà ». De par sa définition, la sage-femme pratique une profession médicale, indépendante, donc autonome et responsable. Le Code de la santé publique lui interdit de conclure un contrat qui ne lui garantirait pas son indépendance professionnelle. Or, nous le verrons plus loin, peu de sages-femmes pratiquent globalement leur profession, et peu sont vraiment indépendantes.

    Une réflexion sur la maternité, c'est-à-dire l'accouchement, la naissance, l'allaitement, le bien-être des femmes, la place du père, l'accueil de l'enfant, de la famille dans cette période particulière, ne peut se faire sans la restituer dans son environnement, la société française de notre temps, où le suivi de la naissance est fort complexe. Lorsqu'une femme est enceinte, la plupart du temps, elle s'adresse à son médecin (généraliste, gynécologue, obstétricien, du secteur public ou privé) qui va assurer la déclaration de grossesse et le suivi médical. Peu de mères s'adressent à une sage-femme. Pourquoi? Les médecins resteront les référents des mères pour l'accouchement, les suites de couches et la planification familiale, même si les mères rencontrent d'autres professionnels de la naissance (y compris les sages-femmes). On a compté que les femmes, au cours de leur maternité pouvaient rencontrer de dix à cinquante professionnels différents auxquels elles devront s'adapter selon leurs discours et leurs attitudes contradictoires!

    Cet investissement de la surveillance de la grossesse et de l'accouchement normal par les médecins, spécialistes de la maladie, est la conjonction de plusieurs facteurs que je ne ferai que citer :
- médicalisation de la société - qui ne sait plus vivre le risque, la maladie, le vieillissement, la mort;
- manque de cohérence du système périnatal de santé français où la maternité est incluse dans le « risque maladie» à la caisse de Sécurité sociale.
- augmentation «galopante» du nombre de médecins.
    La naissance devient alors une maladie relevant du médecin au nom de la « sécurité» et de 1'« accident potentiel »; et la sage-femme devient l'auxiliaire du médecin au même titre que les autres professionnels paramédicaux sous prescription médicale. En outre, la fréquence des actes de médicalisation et d'hospitalisation dans les grandes structures de soins, autour de ce moment de vie qu'est la naissance, n'est pas sans laisser de traces physiques et psychiques chez les meres, les enfants, les pères et le personnel de santé. Cette approche de la naissance, faite sans nuances, est pourvoyeuse de pathologies iatrogènes, qu'elles soient médicales, humaines, financières. A notre époque, les progrès dans tous les domaines nous permettraient, en évitant d'avancer des théories non vérifiées et qui font peur, de travailler plus en finesse autour de la naissance. Un des aspects de ce travail « en finesse» est d'analyser les obstacles à une pratique globale du suivi des mères par les sages-femmes, de faire des propositions en tant que sagesfemmes de «terrain» et d'être entendues et écoutées au niveau des instances de gestion de la naissance.

    Quels sont les obstacles au suivi de la grossesse par les sages-femmes? 

-Pourquoi, tout d'abord, la sage-femme peut-elle diagnostiquer une grossesse mais ne peut-elle pas signer la déclaration de grossesse donnant droit aux primes prénatales? Cette discrimination entre sages-femmes et médecins pour ce cas précis existe depuis l'instauration de la Sécurité sociale dans les années 1950, et donne à croire à la population que seul le médecin peut suivre médicalement une grossesse. Tout se passe comme si on voulait éloigner la future mère de la sage-femme, d'autant plus que le médecin qui fait la déclaration de grossesse n'incitera pas la mère à aller ensuite trouver une sage-femme. Il s'agit là d'un détournement de clientèle officialisé par le système. social. 
- Pourquoi la consultation prénatale de sage-femme est-elle reconnue à la Sécurité sociale à la moitié de la cotation des médecins généralistes et au tiers ou quart de la cotation des médecins obstétriciens? Là où les médecins reçoivent entre cent à deux cent francs, la sage-femme libérale perçoit cinquante-cinq francs pour une consultation qui dure de trente à quatre-vingt-dix minutes!
- Quels sont les obstacles à la pratique de l'accouchement? Pourquoi les sages-femmes libérales n'ont-elles plus la diversité de choix des lieux de l'accouchement de leurs clientes? En effet, nous et nos clientes rencontrons beaucoup de difficultés pour trouver des lieux où accoucher, hormis le domicile. De nombreuses cliniques privées nous refusent l'accès aux salles d'accouchement sous le prétexte que« les sages-femmes ne sont pas rentables », alors qu'il s'agit en définitive de ne pas laisser les sages-femmes libérales développer une clientèle personnelle. Dans le secteur hospitalier public, de nombreux hôpitaux de proximité du lieu d'habitation des mères ont fermé leurs portes sous le prétexte de non-sécurité et de non-rentabilité, et de nombreux directeurs d'hôpitaux ont déjà fermé leur secteur «clinique ouverte» aux sages-femmes libérales sous prétexte qu'il ne faut pas favoriser le secteur privé dans les hôpitaux publics (1984). Vraiment, les sages-femmes libérales sont-elles des chefs de service à temps partiel? Ne seraient-elles pas au contraire un moyen d'économie pour les établissements hospitaliers auxquels elle ne coûtent rien mais où elles laissent une part de leurs honoraires? .

    L'absence de lieux pour les accouchements constitue le principal obstacle au développement de la profession en même temps qu'il la dévalorise. Est-ce cela que veut le législateur, après avoir fait en 1982 une loi intéressante sur la profession de sage-femme? Enfin l'absence d'« outil de travail» dans les cliniques et les hôpitaux publics favorise la pratique de l'accouchement à domicile avec ou sanssage-femme ou médecin comme garant de soins en cas de pathologie obstétricale.
Je ne peux développer tous les aspects de cette question de l'absence d'outil de travail pour les sages-femmes libérales. Cela a été traité d'une façon très précise par l'assocIation Sages-femmes du monde dans le Cahier de recherches n° 10B intitulé: «Ouverture des hôpitaux publics aux sages-femmes libérales ». Pourtant, depuis 1991, un espoir existe avec la promulgation de la loi hospitalière qui dit ceci: « Les médecins et autres professionnels de santé non hospitaliers peuvent être associés au fonctionnement des établissements assurant le service public hospitalier;  ils peuvent, par contrat, recourir au plateau technique afin d'en optimiser l'utilisation» (article L 711-5 de la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991).

    Malgré nos démarches, l'ouverture des hôpitaux aux sages-femmes libérales est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, et certains hôpitaux ont même arrêté d'ouvrir leurs portes alors qu'ils l'avaient fait d'une manière expérimentale. Il y a là un blocage des médecins et chefs de service des maternités, tout comme celui d'un syndicat de gynécologues qui trouve cette démarche « farfelue» mais devant être prise au sérieux dans une attitude ferme et sans ambiguïté (de refus !). Il y a aussi une absence de soutien de la part des sages-femmes salariées des hôpitaux et en particulier des sages-femmes surveillantes-chefs des maternités publiques vis-à-vis de leurs collègues libérales. Quant à l'ordre des médecins, il confirme que cette ouverture des plateaux techniques aux sages-femmes libérales est «tout à fait impossible.»

    Sur quelles analyses se fondent ces refus? Sur notre compétence? Sur notre prix? J'espère que ce n'est pas le cas. Un accouchement à l'hôpital avec surveillance postnatale à domicile par une sage-femme libérale revient àtrois mille francs alors qu'une hospitalisation pour l'accouchement et les suites de couches revient à douze mille francs... Ce dossier concernant l'ouverture des hôpitaux aux sages-femmes libérales ne doit pas se refermer. Les parents, pour vivre la relation globale avec leur praticienne, doivent revendiquer cette ouverture et soutenir les sages-femmes dans leurs actions pour cela.

    Enfin je voudrais situer les obstacles à la pratique harmonieuse des suites de couches. Après un accouchement en clinique ou à l'hôpital, une mère peut désirer retourner chez elle dès que possible (dès le deuxième jour) et demander à une sage-femme libérale de continuer la surveillance à domicile. Cette forme de surveillance nous semble entrer dans le cadre de l'hospitalisation et des soins à domicile. Mais il n'est pas prévu de rémunération dans la nomenclature des sages-femmes!

    En ce qui concerne les obstacles financiers à la gestion de la profession en libérales - ou la responsabilité de la Sécurité sociale -, j'ai déjà mentionné la cotation ridicule de cinquante-cinq francs pour une consultation pendant la grossesse. Il en est de même pour le forfait accouchement. Celui-ci comprend, pour une sage-femme libérale: la surveillance du travail, l'accouchement, la surveillance pendant les deux heures après l'accouchement (au minimum), la surveillance de la mère pendant douze jours et de l'enfant pendant trente jours. Pour tout ce travail, le forfait remboursé par la Sécurité sociale est de huit cent trente francs avec un supplément de nuit de cent quarante-cinq francs et de dimanche à cent dix francs. Tout cet accompagnement correspondant à quinze ou vingt heures de travail(ce qui est le minimum). Ce qui donne une rémunération de quarante à cinquante francs de l'heure! Ridicule!
Il nous paraît important, pour conserver la globalité de l'accompagnement des mères, que le forfait accouchement tienne réellement compte du travail que nous effectuons en nous rémunérant correctement. Cela nous permettrait de vivre, de continuer à donner la priorité à un travail de qualité et de donner la possibilité à d'autres sages-femmes d'exercer la profession en libérales. 

    D'autre part, je veux rappeler ce que je dénonce depuis de nombreuses années: je m'étonne - les collègues sages-femmes et les mères s'étonnent aussi - qu'un accouchement normal soit remboursé différemment selon qu'on est médecin ou sagefemme!  Ce manque d'égalité de rémunération et le faible prix de la nomenclature des sages-femmes faisaient s'étonner certains députés et sénateurs en mai 1982, lors de la promulgation de la loi sur la profession de sage-femme.

-Mme Midy, sénateur, faisait remarquer: «Il existe une dlfference de taux de remboursement de la Sécurité sociale entre médecins et sages-femmes aussi bien concernant le forfait accouchement que les consultations prénatales, alors qu'il s'agit d'actes identiques à l'occasion de grossesses normales. Une révision de la nomenclature et des méthodes de tarification est nécessaire afin d'en terminer avec ces discriminations dévalorisant es et injustes.»

-Mme Fraysse Cazalis, députée, demandait la correction de cette «anomalie» et Mme Provot, députée, disait: «La mesure d'un métier se juge aux mesures prises pour améliorer les conditions de travail, le déroulement de carrière, et surtout le niveau des salaires. Pour les sages-femmes, il y a beaucoup à réformer, en commençant par l'inégalité sexiste de la nomenclature qui, pour des actes équivalents, prévoit des forfaits différents pour le médecin et la sage-femme.» 

-Mme Lecuir, députée, faisait remarquer que « les sages-femmes ne pourront certainement pas survivre s'il n'y a pas de revalorisation des tarifs d'honoraires» 

-M. Gissinger, député, rappelait que « l'exercice libéral de la profession serait une approche salutaire et profitable à nos finances publiques, en évitant des frais d'hospitalisation exagérés ». 

Ce qui faisait dire au ministre de la Santé, Jack Ralite : « Ce sont des problèmes qu'il va nous falloir résoudre. » Bien, monsieur le ministre, résolvez, résolvez, nous attendons! Mais ne le faites pas trop tard car à ce moment-là les sages-femmes libérales en souffriront certainement mais en souffrira également une qualité certaine d'accompagnement global de la naissance, qui perdra son prix pour ne devenir qu'un coût.

    Peut-on actuellement définir le coût de la naissance? Cela est très difficile d'avoir une approche globale. Nous avons pu établir deux orientations grâce à l'enquête menée par des sages-femmes libérales et l'Inserm (subventionnée par l'OMS) et grâce au mémoire du Dr J. Berthet sur l'approche des coûts de la maternité.

    De l'enquête des sages-femmes libérales, faite en 1991 et portant sur 1184 accouchements suivis par 36 sages-femmes libérales du 1 er juillet 1989 au 31 décembre 1990, il ressort les résultats et observations ci-après:
- accouchements à domicile: 638 (53,8 pour cent); 
- accouchements en hôpital ou clinique: 546 (46,2 pour cent) ;
- césariennes: 48 (4 pour cent);
- forceps: 45 (3,8 pour cent);
- décès de nouveau-nés: 6 (5 pour mille); - décès maternel: 0;
- prématurité: 8 pour mille.

    Cinquante pour cent des sages-femmes libérales de l'enquête ont accès à une clinique privée. Quant à la possibilité de travail en hôpital public, elle est restreinte pour ne pas dire nulle. Seules huit sages-femmes y ont accès pour un nombre faible d'accouchements; l'accès est toléré et les sages-femmes ne peuvent pas facturer leurs actes. Devant l'absence de possibilités d'accès à une structure hospitalière pour accoucher avec la sage-femme de son choix, certaines mères, bien que cela ne relève pas de leur choix, préfèrent accoucher à domicile.
Dans cette enquête (1991), il a été évalué le coût moyen du suivi d'une grossesse et d'un accouchement par une sage-femme libérale, du sixième mois de grossesse à la fin des suites de couches:
-lors de l'accouchement à domicile: 2904,50 francs; 
- lors de l'accouchement à l'hôpital: 2 231,60 francs. 
Il est intéressant de faire une comparaison avec les chiffres donnés par le Dr J. Berthet dans son mémoire «mastère» de management médical à École supérieure de commerce, Paris.
-Coût d'un enfant, du début de la grossesse en suites de couches, en Centre hospitalier universitaire:
- coût minimum: 8 603,50 francs;
- coût avec complication sociale et médicale: 101 621 francs'
- coût moyen: 23 071,60 francs.

    Pour assainir la situation aussi bien au niveau de l'accompagnement humain et médical que financier, que peut-on proposer?

Je propose que la première réforme soit un arrêt rapide des tracasseries
administratives des caisses primaires de Sécurité sociale qui parfois ignorent les modifications sur venues dans les lois et décrets sur la profession de sagefemme. Nos clientes reçoivent alors des lettres de refus de remboursement pour des actes et prescriptions que nous avons le droit. de faire. Cela entraîne pour les sages-femmes libérales de nombreux préjudices financiers et moraux (perte de crédibilité auprès des clientes) et perte de temps en formalités administratives inutiles.

Je demande, pour faciliter cette réforme des relations entre sages-femmes libérales et Sécurité sociale, la nomination de sages-femmes conseils auprès des caisses de Sécurité sociale, comme il existe des médecins conseils.

Je demande ensuite que les organismes officiels et gouvernementaux favorisent la connaissance par le public de la sage-femme libérale et des services qu'elle peut rendre à la population. Il est du devoir de l'État de faciliter tout ce qui peut susciter une évolution des mentalités et de mettre un terme à la caractéristique de la sage-femme présentée comme une concurrente de l'obstétricien ou du généraliste. Les sages-femmes, dans une politique de prévention périnatale, sont chargées de l'eutocie obstétricale et les médecins de la pathologie. Il y a là matière à collaboration et non à concurrence. C'est donc à l'État de bien délimiter les « territoires de suivi et de soins» dans le cadre de la naissance et de donner aux sages-femmes leur place pleine et entière, au lieu de vouloir ménager tous les professionnels en confiant tout à tous. L'exemple de l'organisation de la santé aux Pays-Bas pourrait heureusement inspirer la France, comme le précisait M. Gissinger, député, en 1982 :

«Permettez-moi de vous citer le cas des Pays-Bas qui pourraient nous donner un bon exemple de prévention. La grande majorité des femmes y sont suivies pendant leur grossesse par une sage-femme qui procède elle-même à l'accouchement au domicile de la parturiente.
«La détection des cas exigeant une surveillance plus particulièrement médicale se fait au cours de la grossesse. Ils sont alors dirigés vers les hôpitaux qui ne souffrent pas d'une surcharge des soins. Ce pays connaît d'ailleurs, au sein de la CEE, un des taux les plus faibles d'accidents à la naissance.
« On évite une présentation" pathologique" de la naissance. On réintègre celle-ci dans le cercle familial. On épargne à la collectivité le poids financier d'une hospitalisation dont la nécessité n'est pas toujours évidente.
« Enfin, les sages-femmes, qui ont su nouer des relations personnelles avec les femmes enceintes, les assistent et les suivent avant, pendant et après l'accouchement. Je m'empresse d'ajouter que ce système se double de l'assistance d'une aide familiale qui remplace la mère de famille auprès des autres enfants, lorsqu'il y en a.
«Sans vouloir démédicaliser l'accouchement, il me semble qu'il serait intéressant, monsieur le ministre, de voir ce qui pourrait être retenu d'un tel système pour l'adapter aux réalités françaises.»

Je demande particulièrement à l'État et aux collectivités locales de donner l'exemple d'une information complète et de veiller dans leurs publications à ne pas déprécier le rôle de la sage-femme. Une étude qui vient d'être menée sur des documents officiels actuels démontre l'absence, dans de nombreux cas, de présentation juste des sages-femmes libérales au public.

Sans me laisser aller au pessimisme de M. Briane, député, qui prédisait en 1982: « La loi de mai 1982 n'aura guère d'effet car l'évolution de la démographie médicale condamne la profession de sage-femme au déclin », il me paraît urgent pour mieux répondre aux demandes de nos clientes:
- que soit reconnue à la sage-femme la signature de la déclaration de grossesse;
- que les sages-femmes libérales aient le droit de prescrire le repos supplémentaire sur le feuillet du carnet de maternité et que le mot sage-femme figure à côté de celui de médecin - que les hôpitaux publics ouvrent vraiment leurs portes aux sages-femmes libérales pour effectuer l'accouchement des clientes les ayant choisies pour un accompagnement global de leur maternité avec accouchement en structures hospitalières;
- que la nomenclature des actes soient réévaluée au niveau des actes de grossesse (consultations prénatales, préparation à l'accouchement), et du forfait d'accouchement qui doit être mis à égalité avec celui des médecins;
- que les consultations postnatales après sortie précoce de la maternité soient rémunérées selon le nombre de consultations nécessaires laissées à l'appréciation de la sage-femme consultante, pour un suivi médical de trente jours pour la mère et l'enfant, compte tenu du soutien à l'allaitement maternel.
En conclusion, beaucoup de points seraient encore à analyser pour établir un bilan complet du prix et du coût de l'accompagnement global de la naissance. En tant que sages-femmes, nous tenons à offrir un service de qualité aux mères, aux familles U'espère que vous l'avez compris). Mais un proverbe dit aussi qu'on ne vit pas d'amour et d'eau fraîche... Ainsi je pense que, s'il est important de parler du vécu de la naissance par les mères et les sages-femmes, d'échanger des impressions sur les émotions de l'enfantement, il est tout aussi important de parler de l'environnement qui nous permet ou ne nous permet pas de vivre ce formidable événement de la naissance. Et, pour l'instant, il n'est pas favorable à la sage-femme praticienne, autonome.

Nous avons notre médecin, notre cardiologue, notre gynécologue, notre dentiste, notre coiffeur... Pourquoi les femmes de notre temps et celles de l'an 2 000 n'auraient-elles plus droit à leur sage-femme, personnage clé de la maternité? Cette sage-femme qui facilite la création du lien périnatal indispensable à toutes les mères qui veulent conserver la totalité de cet événement intime, familial et social qu'est la naissance.

08/02/2013
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